Aurore de l'Europe

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Wednesday, May 10, 2006

Un Jésuite belge suggère de détruire les embryons surnuméraires de la FIV

L’agence de presse Zenit, spécialisée dans les nouvelles religieuses, a mis en ligne vers les 23-24 mars 2006, une interview du R.P. Alain Mattheeuws s.j., qui est également docteur en théologie morale et sacramentaire et qui se spécialise sur les questions bioéthiques. Le R.P. Mattheeuws est intervenu comme spécialiste pour les questions bioéthiques pour le dernier synode des évêques. Il est aussi biologiste de formation. Ses vues présentent donc un certain intérêt pour apprécier la position de l’Eglise catholique sur l’attitude à adopter vis-à-vis des embryons surnuméraires résultant de la FIV (Fécondation In Vitro).

On connaissait de longue date la position critique de l’Eglise catholique à l’encontre de la FIV, reprise notamment dans Donum vitae .

Le R.P. Mattheeuws rappelle donc que congeler un embryon est un acte « moralement illicite », acte qui plonge l’embryon dans une « prison froide ».

Alors que certains proposent de faire « adopter » les embryons surnuméraires délaissés par leur parents, afin de leur donner, au minimum une chance de survie, il ne s’agit pas d’une solution viable pour le R.P. Mattheeuws. Pour lui, malgré la signature obligatoire de documents contractuels ôtant dans certaines limites la capacité décisionnelle aux parents quant au devenir de l’embryon congelé, il existe « une loi du cœur » qui interdit aux parents de se détacher de leurs embryons.

La solution, pour le moins étonnante, que le R.P. Mattheeuws suggère est de « libérer » les embryons de leur « prison froide » et de « les confier à la bonté divine » (c’est nous qui soulignons).

Si les termes ambigus utilisés auraient pu laisser subsister quelques doutes, le R.P. Mattheeuws s’empresse de les dissiper :


« les retirer du froid où ils sont emprisonnés, de les rendre aux conditions temporelles qui sont les leurs, de ne pas utiliser de moyens disproportionnés pour les sauver ou de moyens qui ne respectent pas leur dignité ou la dignité des personnes désireuses de les aider. L’enseignement du Magistère catholique au sujet du refus de l’acharnement thérapeutique trouve ici une nouvelle actualité. Il ne s’agit pas d’une euthanasie, mais du refus de prendre un moyen disproportionné et inadapté pour tenter de les faire survivre. » (C’est nous qui soulignons)


En termes clairs pour les non-initiés, la belle périphrase du R.P. Mattheeuws suggère la destruction des embryons surnuméraires, plutôt que leur adoption.

L’Eglise catholique est connue pour promouvoir le respect de la vie du début jusqu’à sa fin « naturelle », mais elle se débat avec le statut de l’embryon sur lequel les pressions d’ailes progressistes font porter le poids de discussions sur la contraception (certaines méthodes de contraception comme le stérilet visent à empêcher mécaniquement la nidation de l’embryon dans l’utérus).

Des questions plus pragmatiques agitent aussi les cercles religieux catholiques sur l’embryon, notamment que faire d'embryons surnuméraires, dont il est évident que les parents ne les réimplanteront plus.

Or, la position du R.P. Mattheeuws, pour pragmatique qu’elle soit, semble heurter frontalement le principe du respect de la vie du début à la fin. Quoiqu’il puisse être étonnant de voir un disciple de l’Ordre de St. Ignace suggérer un parallèle avec le refus de l’acharnement thérapeutique, cela ne devient plus véritablement étonnant quand on se souvient que le R.P. Mattheeuws est belge.

Sous la direction du Cardinal Godfried Danneels de Bruxelles, l’Eglise belge est à la pointe des tentatives de trouver un modus vivendi avec les activistes laïques. C’est ainsi qu’afin de promouvoir une vision plus « relaxée » de la religion catholique, le Cardinal Danneels a autorisé par son silence l’Université Catholique de Louvain à adopter et publier une position autorisant les médecins à pratiquer l’euthanasie active dans les Cliniques universitaires. La conséquence logique en a été que les religieux catholiques belges tendent désormais à promouvoir le « refus de l’acharnement thérapeutique » (mais quand l’on sait que l’Eglise range sous ce vocable également les cas où l’on n’a pas les moyens de faire face aux soins de santé, on comprend que le raisonnement est plutôt extensible) avec une fermeté tout aussi importante qu’elle refusait auparavant l’euthanasie. En fin de compte, cette attitude a abouti à légitimer l’euthanasie active en raison de la confusion qu’effectue souvent le public entre les deux notions bien distinctes, et conduit parfois certains prêtres à confondre eux-même les notions lorsqu'ils doivent guider leurs fidèles.

Pour en revenir au R.P. Mattheeuws, sa position d’expert auprès du Synode des évêques donne à réfléchir sur les débats agitant les cercles des princes de l’Eglise et sur les influences qu’ils subissent, étant donné que la plupart des évêques ne sont pas des spécialistes de médecine ou de bioéthique.

Sur le fond de l’argumentation, on peut noter que le parallèle avec le refus de l’acharnement thérapeutique est pour le moins spécieux. En effet, si aucune intervention n’a lieu, les embryons pourront continuer à exister dans un état de conscience suspendue, sans grave perte de « qualité de vie » ni nécessité d’intervention extraordinaire, au-delà du maintien en congélation.

Par contre, une intervention positive est requise pour mettre fin à l’existence des embryons (ou pour les « confier à la bonté divine » pour reprendre les termes du R.P. Mattheeuws). En cela, il ne s’agit pas d’une « abstention d’user de moyens disproportionnés », mais bien d’une intervention positive létale alors que l’embryon, sans cette intervention, ne verrait pas sa fin intervenir dans un futur proche. Sur le plan moral, si l’on considère que les embryons sont des personnes vivantes, comme semble le faire le R.P. Mattheeuws, alors il s’agit clairement d’un cas de mort injustifiée. Le glissement dans l’argumentation est d’autant plus surprenant que le R.P. Mattheeuws dénonce la FIV comme « un acte immoral »…

Lisez l’interview du R.P. Alain Mattheeuws sur le site de Zenit :

1re partie: http://www.zenit.org/french/visualizza.phtml?sid=86483
2nde partie: http://www.zenit.org/french/visualizza.phtml?sid=86546

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