Aurore de l'Europe

Un blog destiné à informer et à entretenir le débat autour des questions de droits de l'homme et de bioéthique.

Tuesday, May 24, 2005

Le cas des « bébés médicaments »

Une décision récente par la Chambre des Lords britannique a libéré le dernier obstacle sur la route de la création de ce qu’on appelle vulgairement des « bébés médicaments ».

En l’espèce, cela vise des familles où un des enfants déjà existants présente une déficience de nature génétique, ou une maladie nécessitant une greffe de moëlle osseuse (par exemple une leucémie) et où il n’existe pas de donneur compatible génétiquement.

En Belgique, la VUB (Université laïque flamande) vient d’annoncer la naissance des deux premiers « bébés médicaments ».

Dans ces cas, s’appuyant sur la fécondation in vitro, les médecins ont conçu l’idée de créer des embryons, et ensuite de sélectionner celui qui, génétiquement, serait le plus proche de l’enfant déjà existant, pour l’implanter et poursuivre une grossesse normale. A sa naissance, un prélèvement de moëlle est effectué chez le « bébé médicament » afin de soigner l’enfant malade. Ce sont surtout les familles originaires du bassin méditerranéen qui recourrent à cette technique, car elles présentent davantage de ces types de problèmes.

Deux techniques sont utilisées ici: la fécondation in vitro et le diagnostic pré-implantatoire. Juridiquement, les deux techniques posent peu de problèmes, en général, car elles sont acceptées dans deux circonstances: premièrement infertilité du couple, deuxièmement, forte probabilité d’une maladie génétique survenant dans la descendance. Ici, pourtant, les deux techniques sont détournées de leur but originel afin d’être utilisé non pas pour le bien intrinsèque de l’enfant à naître - ce qui en soi pose déjà des problèmes éthiques - mais bien dans le but d’assister un autre enfant.

La question qui se pose alors est celle de l’analyse en bioéthique de la situation. Nous savons que le premier devoir du médecin est résumé par la formule latine « primum non nocere ». Dans ce cas, nous avons la subordination d’un être à naître, le « bébé-médicament », à son utilité pour un autre, c’est-à-dire, son frère ou sa soeur malade. Car, cet enfant ne pourrait naître et ne serait pas réimplanté si son caractère génétique n’est pas strictement compatible avec l’enfant malade...

Peut-on dire donc que « primum non nocere » est respecté au regard du « bébé-médicament »? Une réponse en deux temps s’impose. 1° Il n’est pas nui, à strictement parler, au « bébé-médicament » en lui donnant la naissance, mais la création de la vie pour le simple but de traiter un autre enfant est discutable. 2° Il est nui, en revanche, à l’enfant dans la mesure où son existence est toute entière ordonnée à sa finalité « thérapeutique » pour l’enfant malade. D’autre part, le prélèvement de moëlle osseuse inflige au « bébé-médicament » une douleur inutile, ou des risques sans aucun bénéfice pour lui-même.

D’un point de vue philosophique, la question devient encore plus délicate: comment concevoir cette subordination de l’individu à son utilité pour un autre? C’est là où Paul Ricoeur, le grand philosophe chrétien et français qui est décédé ce week-end, avait bien pointé le danger pour le « Je » de subordonner le « Tu » à ses intérêts, au lieu d’essayer de favoriser son autonomie.

Dans ce contexte, rien d’étonnant à ce que les premiers « bébés-médicaments » soient nés en Belgique: ce pays, en adoptant une législation autorisant l’euthanasie, a déjà suffisamment témoigné de son mépris pour la protection des êtres les plus vulnérables...

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